Éviter un autre Renan Hédouville à l’OPC

Le Conseil Présidentiel de Transition, la Primature et la police nationale d’Haïti restent silencieux. La nomination de l’ancien directeur général Normil Rameau semble ne plus se concrétiser. De nouveaux noms circulent et il semble que nous soyons épargnés de cette absurdité. Tant mieux.

Ce changement de programme doit surprendre Renan Hédouville, le Protecteur du citoyen et de la citoyenne, qui, dans une note de presse datée du 14 juin 2024, s’était empressé de saluer cette nomination avant même la publication d’un arrêté de nomination qui, finalement, ne paraîtra jamais.

Ce type de changement de dernière minute nous aurait portant été bien utile en 2017, lorsqu’un individu crédiblement accusé de violences conjugales en 2004 et 2005 fut nommé à la tête de l’Office de protection du citoyen et de la citoyenne (OPC). Cela explique probablement son empressement à approuver la nomination illégale d’un ancien directeur général, révoqué pour incompétence. Heureusement, son mandat prend fin dans trois mois. Pour le prochain septennat, il est essentiel de ne pas choisir le prochain défenseur de nos droits parmi ceux qui les violent.

Nommer un Protecteur du citoyen et de la citoyenne doit être un exercice de discernement et de rigueur, et non une récompense pour services rendus. Permettre à un homme au passé violent de devenir le gardien des droits humains dans un pays où les violences de genre sont endémiques va au-delà de l’oxymore; c’est une insulte aux femmes haïtiennes qui aspirent à la sécurité et à la justice. La simple possibilité qu’un tel individu puisse occuper une telle fonction aurait dû suffire à disqualifier sa nomination. Cette année, si nous n’y prenons pas garde, nous risquons de voir un leader communautaire, accusé de crimes graves, devenir Protecteur de nos droits.

Le Protecteur ou la Protectrice est choisi.e selon l’article 207-1 de la Constitution par consensus entre le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des Députés pour un mandat de sept ans, non renouvelable. Une fois nommé.e, ce choix nous engage pour presque une décennie, avec ses conséquences, bonnes ou mauvaises. Depuis sa prise de fonction, Renan Hédouville n’a produit qu’un seul rapport annuel, couvrant la période 2017-2018. Depuis lors, silence total. Peut-être que les droits des citoyens haïtiens sont tellement bien protégés qu’un suivi régulier n’est plus nécessaire ? Ou peut-être que l’OPC est trop occupé par des activités plus prestigieuses, comme son fameux concours de textes sur les droits humains. Après tour, pourquoi se soucier de protéger les citoyens contre les abus de l’État quand on peut organiser des concours ?

La question se pose avec acuité : à quoi sert réellement l’OPC ? Selon l’article 207 de la Constitution, l’institution a pour rôle de « protéger tout individu contre toutes les formes d’abus de l’Administration Publique », laissant à la loi le soin de définir ses modalités de fonctionnement (article 207-3). Le décret du 7 juillet 2012 rattache sa mission aux principes de Paris (article 3-1), adoptés par l’Assemblée générale de l’ONU en 1993, soit six ans après la création de l’OPC, et élargit sa mission à la promotion des droits humains. Toutefois, la protection contre les abus de l’administration, mission initiale de l’OPC, demeure, bien que reléguée au troisième plan (article 3-3). Dans la pratique, l’OPC se contente de publier quelques communiqués par an, ce qui est insuffisant pour une institution qui coûte un peu plus de deux millions de dollars américains annuellement au contribuable haïtien.

Pour l’année 2023-2024, le budget de l’OPC s’élève à 320 646 000 gourdes, oit une augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente. Plus de la moitié de ce budget (177 956 386 gourdes) est destinée aux dépenses de personnel pour 116 employés, dont 40 femmes, ce qui correspond à peine au quota minimal exigé par la Constitution. Un manque de représentativité féminine qui s’explique sans doute par l’absence de femmes suffisamemnt qualifiées pour défendre leurs congénères des abus de l’administration comme, par exemple, une préférence systématique pour les hommes à l’emploi.

Pour ce budget annuel, l’OPC affiche un double objectif, aussi vague que verbose, identique à l’année précédente : « rapprocher l’Office de Protection du Citoyen auprès de l’ensemble des catégories sociales de la population haïtienne » et « développer la sensibilisation aux droits et aux devoirs pour une citoyenneté consciente » (4212-a). Mais, comment, établir une citoyenneté consciente quand un Protecteur du citoyen et de la citoyenne est réputé abusé les siens. Quelle protection peut-on espérer de sa part contre les abus de l’État ?

Le bilan de M. Hédouville à la tête de l’OPC est nul – comme il fallait s’y attendre – et l’institution en sort affaiblie. Le prochain Protecteur ou la prochaine Protectrice doit pouvoir réparer les torts causés et établir la confiance dans cette institution cruciale pour le respect de l’État de droit. Sa nomination doit être fondée sur l’intégrité, la compétence et un engagement inébranlable envers la justice pour tous et toutes. Le peuple haïtien mérite un leadership fort et éthique à l’OPC. Le Protecteur ou la Protectrice doit être un phare d’espoir pour les opprimés, pas une figure controversée qui divise, déçoit et ultimement détruit toute confiance dans l’institution.

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