En galère

Nous serions sur le point de connaître le Premier Ministre de la Transition. À moins que le Conseil présidentiel de transition ne nous pose un lapin – ou peut-être justement – nous devrions savoir ce week-end qui, pour reprendre l’article 5 du décret créant le Conseil, cosignera les Arrêtés et les Décrets organisant la vie politique haïtienne pour les deux prochaines années. Certes, hier un communiqué du premier ministre a.i. nous informait d’un arrêté du 20 mai, pris par le CPT, sans cosignataire, instaurant l’état d’urgence du 9 mai au 8 juin sur la totalité du territoire, mais ce week-end passé nous pourrions revenir au nouveau normal d’une transition accompagnée par une force multinationale courtoisie du Conseil de Sécurité où un Premier ministre issu du système onusien et dont le prénom commence par un G sera assisté de personnalités réunies au sein d’un Conseil au contenu jamais défini.

À ce Conseil, l’article 5 du décret donne les fonctions suivantes:

  1. participer, en accord avec le Premier Ministre, à la formation d’un Cabinet Ministériel inclusif ;
  2. approuver l’ordre du jour du Conseil des Ministres, en accord avec le Premier Ministre, et
  3. cosigner les Arrêtés et les Décrets ;
  4. fixer les critères de sélection des membres d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP) impartial et les nommer ;
  5. prendre toutes dispositions favorisant une transition pacifique ;
  6. assurer la continuité de la gouvernance et établit un Conseil de Sécurité Nationale ;
  7. poursuivre la collaboration avec tous les membres de la Communauté internationale pour le déploiement accéléré de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité autorisée par la Résolution 2699/2023 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

La comparaison s’impose presque d’elle-même avec le Conseil des Sages de 2004 dont la tâche première était de nommer un Premier Ministre puis d’être consulté sur la formation du Cabinet ministériel. Cette fois, le Conseil est appelé à participer au choix, c’ést déjà mieux mais c’est peu. Le rôle du Premier ministre est inscrit dans la Constitution visé par le décret; celui de conseiller-président, non. Après l’installation de Gérard Latortue, les Sages devaient se muer en Conseil d’État et contrôler l’action du gouvernement. Ce qui a été fait avec à peu près le même succès que le Conseil d’État sous la présidence d’Ertha Pascal Trouillot, c’est-à-dire, pas du tout.

Fonctionnaire de l’ONU, Gérard Latortue incarnait un certain idéal technocrate que l’on nous ressort à chaque période de crise pour à peu près les mêmes résultats, c’est-à-dire, pas grand chose. De mars 2004 à juin 2006, avec le soutien d’une mission onusienne de stabilisation dénommée MINUSTAH, il devait :

  • Stabiliser le pays et organiser des élections
  • Rétablir la sécurité et lutter contre les gangs armés
  • Entreprendre des réformes économiques pour relancer l’économie
  • Gérer l’aide humanitaire pour qu’elle parvienne aux populations les plus affectées
  • Lutter contre la corruption et améliorer la transparence au sein du gouvernement

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, de juin 2024 à février 2026, un autre technocrate ayant travaillé à l’ONU aura peut-être, avec l’appui d’une mission multinationale de soutien à la sécurité, la MMSS:

  • Stabiliser le pays et organiser des élections
  • Rétablir la sécurité et lutter contre les gangs armés
  • Gérer l’aide humanitaire pour qu’elle parvienne aux populations les plus affectées

Nous n’osons même plus parler de réformes économiques. Un temps, il était question de compétence d’empathie mais cette exigence a depuis été abandonnée. La lutte contre la corruption devra sans doute attendre. Celle, mille fois plus importante, contre l’impunité également. Quant à la transparence au sein du gouvernement, il faut espérer que sa stratégie de communication est meilleure que celle du CPT.

Certes, ils sont nombreux à tenir à se rendre dans cette galère sans rame mais il est certains motifs qui se répètent dans nos transitions stationnaires, des arbres qui reviennent et qu’il nous faut savoir reconnaître pour pouvoir avancer.

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