Ce sont par ces mots d’une grande fragilité qu’Arthur Rimbaud demande à son estimé professeur Georges Izambard de bien vouloir répondre à sa lettre. Nous sommes le 13 mai 1871, le poète a 17 ans et se retrouve brutalement face à ses désillusions ou, pire, face à la brutale cruauté de la réalité qui se révèle aussi osbscène qu’il l’avait imaginée. Izambard lui répondit « qu’être absurde, c’est à la portée de tout le monde ». Il n’avait rien compris à la (com)plainte de son ancien élève et de son coeur volé (supplicié, du pitre). Aux quolibets de la foule succéda l’incompréhension du maître …
Mon triste cœur bave à la poupe…
Mon cœur est plein de caporal !
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe…
Sous les quolibets de la troupe
Qui lance un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur est plein de caporal !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé ;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques ;
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé !
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé ?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques !
J’aurai des sursauts stomachiques
Si mon cœur triste est ravalé !
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé ?
Arthur Rimbaud, Le cœur volé
Un garçon de 16 ans et demi crie sa douleur et le monde se résout à ne pas voir. Il finit par jouer le jeu et se projeter en pitre. La critique l’acclame et publie le titre qui ausculte cette douleur et voit Rimbaud se joindre au rire général.
Mais, sous le masque grimaçant de la parodie et de la satire, se cache une âme en détresse dont les appels à l’aide se heurtent à l’indifférence d’un monde qui ne sait voir que raconter sa souffrance ne veut pas rien dire.
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