Des maladresses dans la communication et de l’urgence de les clarifier

Sur WhatsApp circule un message audio du sieur Jean Philippe Vixamar, qui se présenterait comme un membre du Cabinet du premier ministre Garry Conille, illustrant ce qui risque de devenir très vite un problème majeur de la future administration Conille. Je dis « administration » parce que M. Vixamar compare déjà Conille à de précédents présidents – et non à des Premiers ministres – ce qui confirmerait que, au moins au cabinet de Conille, le Conseil présidentiel de transition est bien un mort qui s’ignore.

Le problème prochain de l’administration Conille, vous aurez deviné, en sera un de communication. Il a commencé dès l’acceptation de sa nomination où il est apparu dans une vidéo faite maison publiée sur sa chaîne Youtube non personnalisée pour s’adresser à ses compatriotes en commençant par se présenter.

Il s’appelle Garry Conille et le Conseil présidentiel de transition lui a demandé de donner un petit coup de main à la transition. Laissons de côté le fait qu’il a posé sa candidature parmi des dizaines voire des centaines d’autres et que sa nomination procède d’un appel du pied d’une subtilité de coup de boutoir de l’Ambassade américaine. Monsieur Conille a été premier Ministre de la République sous Martelly, nous savons qui il est. Le reste de la vidéo remercie les nombreux soutiens qu’il a reçus et nous informe des étapes de sa démission de l’UNICEF ainsi que de la formation d’un gouvernement inclusif, compétent, pratique, honnête… mais vous ne le saurez que si vous continuez d’écouter cette vidéo de 9 minutes dont le son n’est pas fiable.

La deuxième grande communication de Garry Conille remonte à ce samedi, où il s’est rendu au bas de la ville pour « évaluer la situation ». Il y est apparu en chemise rose – la couleur des bandits légaux du PHTK qui l’ont nommé puis vite démissionné et qui sont en grande partie responsables du chaos actuel. Par-dessus sa chemise, un gilet pare-balles trop petit, repoussé bien trop haut par son embonpoint. Une autre image de cette visite montre le Premier ministre assis à l’intérieur d’un véhicule blindé, entouré de policiers debout, l’air un peu perdu en train de regarder son téléphone. Ce qui renvoie difficilement l’image d’un leader en contrôle de la situation.

Ces deux premières sorties du nouveau Premier ministre ne sont pas idéales, mais, en ce moment, la barre est au sol. Nous revenons d’Ariel Henry qui ne savait pas en quelle année nous étions et qui prétextait une charge de travail énorme pour ne pas communiquer. Que M. Conille se filme un discours sur YouTube et visite un territoire perdu avec le chef de la police est déjà énorme par rapport à son prédécesseur. Par contre, des sorties comme celles du « conseiller spécial » Vixamar, il lui faudra les limiter et vite, et ce n’est pas que parce qu’il rappelle le fameux « le président a parlé point barre » de Jovenel Moïse qui a pratiquement enterré sa présidence avant même qu’elle ne commence.

En politique comme dans la vie en général, il faut toujours permettre à son vis-à-vis de sauver la face. C’était, par exemple, le problème du Bloc Majoritaire (pas si) Insoluble au sein du CPT qui a fondu si vite qu’une semaine après sa création, plus personne ne s’en souvient. L’arrogance perd son homme, mais surtout, communiquer c’est choisir ce qu’on doit dire et le dire bien.

Les discours ne sont pas innocents parce qu’ils ont un objectif précis : persuader ou convaincre, mais surtout parce qu’il est facile de les retourner contre ceux qui les prononcent. En politique, comme dans la vie de tous les jours, il faut savoir se taire surtout quand on n’a rien à dire.

La diatribe de Vixamar n’a apporté aucune information nouvelle – le principe d’un cabinet restreint avec une dizaine de ministres a été évoqué dès le départ. Par contre, la quantité de bêtises qu’il a sorties en quatre minutes est proprement impressionnante. À cela, il faut ajouter des amalgames irritants sur les administrations précédentes – on ne s’improvise ni historien ni politiste – et des réflexions mal venues sur le nombre de ministères négociables lors même que la discussion concerne des ministres.

C’est dailleurs la raison première de ce billet. L’infosphère haïtienne laissant entendre que moins de ministres équivaut à moins de ministères, je suis forcée de rappeler que les ministères actuels sont prévus par la Constitution et par la loi et qu’il faudrait un acte législatif pour les éliminer. Aucun ministère, par conséquent, ne disparaîtra. Aucun service public ne cessera d’exister. Nous ferons tout simplement l’économie de quelques employés redondants dans la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons.

Les portefeuilles actuels seraient redistribués entre un petit groupe de ministres, à charge pour les prochains élus de la République de procéder à la réforme de l’État, qui est certes fondamentale mais pas urgente. Les priorités actuelles sont la sécurité et les élections. C’est tout ce que nous pouvons attendre de Conille et de son gouvernement. Le reste doit et devra attendre.

Les dernières élections en Haïti remontent à 2016. Nous sommes en 2024, soit l’équivalent de deux législatures, et nous devrons attendre 2026 pour avoir de nouveaux élus. Dix ans sans élections, alors que tous font régulièrement référence à une constitution qui veut qu’Haïti soit une république libre et démocratique. Cette absence d’élus devrait révolter les vrais patriotes et les motiver à pousser pour l’organisation d’élections au plus vite et non pour discuter des personnes rouillées à mettre dans du gaz pour la prochaine fois.

Le message de Vixamar, loin d’apporter des informations utiles, a ajouté à la confusion en mélangeant arrogance et imprécision. Il est crucial pour l’administration Conille de contrôler ses porte-parole et de s’assurer que leur communication soit claire, cohérente et constructive. Un porte-parole, si telle est la fonction de Monsieur Vixamar doit porter une parole censée, pensée et réfléchie. Pour le bien de la future administration Conille, j’espère qu’il faisait de l’excès de zèle et que son rôle se limitera aux questions bancaires qui relèveraient de son domaine d’expertise.

Comme l’a si bien dit le Dr Conille dans la vidéo ci-deesous datant de l’année 2013, la politique exige certaines compétences précises. Une communication maladroite peut rapidement miner la confiance du public et des partenaires internationaux. Conille et son équipe doivent travailler à améliorer leur stratégie de communication pour convaincre et rassurer efficacement les citoyens haïtiens, tout en restant transparents et responsables.

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