Des enquêtes au MAE pourquoi faire

Notre nouvelle Chancelière multiplie les actions d’éclat et fait parler d’elle. Tant mieux. Les femmes ont beau être peu nombreuses en politique, j’entends que quand elles y sont, qu’elles soient là. Depuis hier, plusieurs chefs de mission ont été rappelés, une trentaine d’employées du Ministère des Affaires étrangères ont été promues, et plus de la moitié de nos missions à l’étranger sont désormais dirigées, dans l’intérim, par des femmes. Aujourd’hui, nous apprenons par voie de presse que Madame Dupuy a sollicité, pour son ministère, une enquête de l’unité de lutte contre la corruption (ULCC) pour la période de 2021 à 2024.

Cette période est significative car elle vient après une précédente enquête, celle de 2016-2021, qui aurait révélé la disparition d’environ de 82 millions de dollars de fonds diplomatiques, principalement aux États-Unis. C’était en mai 2023. Le Dr Ariel Henry, chef d’État de facto, avait révoqué Edmond Boccit, ambassadeur d’Haïti à Washington, suite à une enquête conjointe des administrations haïtiennes et américaines sur un système de pots-de-vin et de vente de passeports dans les consulats haïtiens aux États-Unis. Il aurait même été question de consulats mobiles délivrant des passeports haïtiens à 10 000 personnes, indépendamment de leur nationalité. Une telle générosité représentait un danger pour la sécurité nationale des États-Unis, qui ont exigé et obtenu un grand ménage, entraînant le départ d’une quarantaine de diplomates haïtiens. Puis, rien. L’ULCC avait bien annoncé une enquête mais cela ne sembla pas aller plus loin.

Certes, Boccit est passé dans la presse haïtienne se défendre de ces accusations évidemment mensongères. Le nom du Dr Claude Joseph, ancien ministre des affaires étrangères, Premier ministre a.i. lors du magnicide de Jovenel Moïse et chef du parti EDE qui avait soutenu la candidature malheureuse de Mme Dupuy au Conseil présidentiel de transition, avait également été cité, notamment via des membres de sa famille, une habitude qu’il semble traîner ces temps-ci jusque dans son foyer. Lui aussi s’est offusqué des contre-vérités qui circulent à son sujet dans les médias. Mais au-delà de ces défenses par voie de presse, il ne s’est rien passé. Cela me laisse sceptique quant à cette nouvelle enquête de l’ULCC, qui, bien qu’elle ait transmis des dossiers concernant une grande partie de la classe politique, n’a réussi jusqu’à présent qu’à fournir des sujets à sensation aux potins de YouTube.

Alors, oui, pour des enquêtes régulières et conformes aux règles. Cela a au moins été une retombée positive du Petrocaribe Challenge : l’introduction de la reddition de comptes dans nos pratiques politiques. Mais les enquêtes ne suffisent pas. Les rapports accumulés ne suffisent pas. Il faut des procès. Il ne suffit pas que la nation soit informée des crimes commis contre elle; les coupables doivent souvent répondre de leurs forfaits.

Laisser un commentaire