Les temps sont durs

Par ces temps de kidnapping où le montant des rançons va croissant, l’on pourrait croire que les affaires des résistants et autres leaders communautaires de nos zones de non-droit vont bien. L’on se tromperait. À Village de Dieu, haut-lieu du kidnapping céans, les choses vont mal. Izo, le chef du Village et, Manno, son second, vivent une terrible situation, sombrant (presque) dans le cycle infernal de l’endettement dont, à en croire une lettre circulant sur les réseaux sociaux, ils prient le directeur général de l’Électricité d’Haïti, de les aider à se libérer.

Dans cette lettre touchante, les deux compères expliquent compter sur la bienveillance du DG pour les sortir d’un mauvais pas. Nous avons déjà vu sur ce blogue combien les relations entre l’ED’H et nos « leaders communautaires » peuvent être cordiales. Aussi, cela étonne-t-il peu que les derniers sollicitent l’aide du premier. Une aide double, en nature et en espèces. La base 5 secondes fête hier et aujourd’hui ses 3 ans et elle s’offre une grande fête avec des rappeurs connus à l’affiche. Il lui faut donc de l’électricité, bien sûr, mais aussi de l’argent.

Je ne suis pas spécialiste en gestion de gangs et je ne vais donc pas m’aviser de dire à Manno et Izo comment gérer leur entreprise mais peut-être que d’organiser une grande fête que l’on ne peut se payer n’est pas ce qui est le plus indiqué pour réduire ses dettes. Je veux bien que « trois années d’existence et de résistance » méritent une célébration mais peut-être que quelques bières entre amis, voire même avec les kidnappés, seraient plus adaptées. Après tout, nous avons tous pu voir combien c’était le « fun » de profiter d’une Guinness sous haute protection.

Je présume – aucune relation avec le DG de l’ED’H, promis – que l’enlèvement comme activité commerciale doit exiger des investissements importants en termes de ressources humaines et de logistique et que, par conséquent, il importe de bien gérer son encaisse. Du reste, s’approvisionner en armes et munitions, dans un pays sous embargo, ne doit pas être « cheap » et je ne pense pas que ce soit le genre d’achats que l’on puisse faire passer sur sa ligne de crédit.

L’enlèvement de personnes contre rançon est une industrie à haut risque dans un marché imprévisible. Des extravagances comme ces deux soirées d’anniversaire ne peuvent que menacer plus avant la survie de l’entreprise. Il est peut-être temps que, dans un renvoi d’ascenseur, les journalistes dans nos médias qui contactent régulièrement ces « résistants » pour commenter l’actualité, leur conseille de ménager leurs finances. Nos leaders communautaires pourraient alors abandonner le kidnapping généralisé pour se repositionner sur les marchés bien moins volatiles du racket et de la violence politique.

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